Préambule à « Une brève histoire de l’homme »

Après « Hayek sur l’État et l’Évolution sociale », « Murray Rothbard : Economie, Science et Liberté » et « La production privée de la sécurité », voici désormais disponible chez nous une traduction inédite des chapitres de “The Great Fiction”, qui furent publiés à part, sous ce titre de « Une brève histoire de l’Homme ».

L’âge de pierre – Victor Vasnetsov
L’âge de pierre – Victor Vasnetsov

Hoppe s’aventure dans l’Histoire

Avec cet ouvrage, voilà que Hoppe s’aventure dans l’histoire de l’humanité. Jusqu’ici, ses travaux avaient surtout porté sur la théorie économique autrichienne, le droit naturel et son lien avec la propriété privée et l’économie, l’épistémologie de la science économique et des sciences humaines, l’étude politique de la démocratie, qui lui a apporté sa célébrité, ou encore sur la stratégie que selon lui les libertariens devraient suivre.

Il s’aventure dans le champ de l’histoire, mais il n’y va pas sans outils, ni sans une motivation bien précise, et cela contribue à la valeur de ces textes. Concernant les outils, Hoppe s’appuie d’abord sur les épaules du géant Ludwig von Mises. Dans son superbe “Théorie et Histoire”, trop mal connu hélas, celui-ci établit un principe méthodologique majeur à l’usage de l’analyse historique : l’histoire est faite d’actions humaines, on ne peut donc la lire avec rigueur qu’à travers le prisme de la praxéologie, qui est la science de l’action humaine. En termes plus simples, une analyse historique, pour être solide, ne peut reposer sur la seule interprétation personnelle de l’historien, ni sur des principes théoriques choisis plus ou moins au hasard. La rigueur appelle à l’application des théorèmes tirés de l’axiome de l’action humaine, tels que ceux de la théorie économique autrichienne.

L’aide de “Démocratie”…

Hoppe dispose d’un second outil théorique d’importance pour l’analyse historique. Dans son célèbre « Démocratie », le premier chapitre établit le lien, presque une loi, entre la praxéologie et la civilisation, par l’intermédiaire du concept économique de préférence temporelle. En substance, il dessine la civilisation, processus d’évolution des sociétés humaines vers plus de prospérité, de liberté, de justice et de paix, comme directement conditionnée par la capacité (ou volonté) des hommes à plus se projeter dans le futur dans leurs affaires individuelles ; surtout, il étudie les conditions d’organisation sociales favorisant ce processus, dont le rôle étatique néfaste.

Armé de ces deux outils méthodologiques éprouvés, Hoppe se lance dans les pages qui suivent dans ce qu’il appelle volontairement une « reconstruction » historique de notre histoire humaine, sous trois angles différents et complémentaires. Ce terme de reconstruction étant dans le sous-titre, il mérite clairement qu’on s’y arrête un instant. Les libéraux ont pour habitude, à juste titre, d’être fortement opposés au constructivisme des diverses formes de pensée étatiste et collectiviste, ce qui fait que bien des libéraux pourront être surpris qu’un libertarien accompli puisse oser parler de reconstruction historique.

Constructivisme ?

Or la notion de constructivisme suppose trois choses, qui toutes ne font pas problème. À partir d’une théorie socio-économique, le constructiviste « construit » une société idéale dans sa tête, construit par la logique un système social qu’il déduit et imagine, et pourra aller jusqu’à chercher à l’imposer au reste du monde. C’est là bien la caricature du communisme, par exemple. Car chez les communistes, la théorie de base est fausse, et dès lors vouloir l’imposer est tant immoral que catastrophique. Mais chez Hoppe, qui vient du communisme et en connaît très bien les mécanismes et les failles, les choses sont très différentes. Avec lui, la théorie est solide et fondamentalement libérale. En tirer comme conséquence logique une vision, pleinement libérale, de la société, ou comme dans ce livre, de l’histoire, ne prête à aucune conséquence néfaste. Ce constructivisme là n’est qu’une explication de la liberté.

Hans-Hermann Hoppe
Hans-Hermann Hoppe

Cette parenthèse peut sembler d’un intérêt un peu trop théorique, pourtant le point est essentiel pour bien saisir la motivation de l’auteur tout au long de ces trois textes. Hoppe ne vient pas à l’analyse historique par simple caprice ou exercice intellectuel gratuit. Il a entrepris, depuis longtemps, de prendre un à un les mythes communistes, dans lesquels il a baigné à une époque, pour les démanteler les uns après les autres et ainsi contribuer à remettre le communisme, et tant d’autres collectivismes avec lui, à leur juste place.

Les thèmes abordés…

Ainsi « L’origine de la propriété privée et de la famille » vise à casser le mythe d’une humanité ancienne qui aurait vécu jusqu’à l’Antiquité sans propriété privée, ce qui permet à la gauche de faire passer ce concept pour une saleté associée au méchant capitalisme industriel. Le texte montre qu’au contraire, c’est l’arrivée de la propriété privée qui a posé les bases d’une organisation sociale ayant permis à l’humanité de sortir de son animalité d’origine. Ensuite et selon une logique semblable, « Du piège malthusien à la révolution industrielle : L’évolution sociale » attaque le mythe de l’égalitarisme ancestral, lui aussi un argument à l’égalitarisme ambiant. Et enfin, « De l’aristocratie à la monarchie à la démocratie » s’attaque au mythe d’un état qui aurait toujours existé, du moins sous le jour que nous lui connaissons désormais au sein de nos démocraties. Là encore, et dans la lignée de « Démocratie », Hoppe montre que c’est plutôt l’arrivée de ce régime qui a accéléré la dégénérescence des équilibres passés.

En résumé, ce petit livre nous semble illustrer avec nouveauté la démarche et la force de la pensée libertarienne au travail, quand elle est méthodiquement au service d’une sortie des fausses croyances collectivistes et notamment marxistes. Il est à la fois un exercice de style, un éclairage nouveau sur la liberté dans notre histoire, et une source d’arguments libéraux.

Perspective

Alors que l’année 2020 continue ses délires tyranniques sous fond de fausse crise sanitaire, en réalité prétexte à un (grand) tour de vis étatiste supplémentaire, nous avons réussi à publier en langue française plusieurs livres de première importance pour la liberté, ainsi que plus largement pour la civilisation : « Démocratie, le dieu qui a échoué » et « Bien comprendre le libertarianisme », de Hoppe, « La liberté par le marché », par le couple Tannehill, et voici donc « Une brève histoire de l’Homme » qui probablement conclura notre production de cette année peu ordinaire.

Nous avons mis du cœur à l’ouvrage, nous avons pris un grand plaisir à ce travail, nous en avons aussi une certaine fierté qui néanmoins reste humble : ce ne sont là que quelques traductions, et il reste tant de grands livres à faire connaître. Sans doute, contribuer à ne pas baisser la garde de la liberté face à la dictature aura poussé notre action, qui désormais sera d’œuvrer pour contribuer à la Résurgence de la civilisation.